
FR_ Fosse est un projet documentaire sur le long cours réalisé dans le cadre d’un atelier pédagogique conduit par Gilles Saussier au sein de l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles (ENSP). Cet atelier interroge le genre des commandes photographiques de paysage et de territoire depuis la mission de la DATAR (1984-1988) et plus particulièrement les travaux réalisés à Fos-sur-Mer par les photographes Gabriele Basilico (1944-2013), John Davies (1949-) et Jean-Louis Garnell (1954-) au milieu des années 90. Ces photographies font aujourd’hui partie des collections de l’Artothèque Ouest-Provence, tout comme la remarquable série photographique Fos Secteur 80 (1986-1987) de l’artiste américain Lewis Baltz (1945-2014). En contrepoint de ces séries, nous nous sommes penchés sur les nouveaux enjeux énergétiques, environnementaux et sanitaires de ce vaste territoire morcelé.
J’ai alors conduit une enquête photographique autour de lieux emblématiques du quartier de la Fossette, situé au nord de la zone industrielle de Fos-sur-Mer. Ce quartier fut conçu au début des années 1970 pour devenir le futur hub financier de Fos-sur-Mer. Mais la ville n’a jamais connu l’essor escompté, et cette zone est peu à peu devenue le symbole de l’échec d’une utopie politique désuète visant à faire de cette immense zone un village social et industriel. Au beau milieu de ce quartier trône un hôtel rosâtre aux murs décrépits. Il est gardé depuis plus de dix ans par Jamaï, unique habitant de cet hôtel dont la construction n’a jamais été achevée. Dans la salle du réfectoire s’amoncellent jusqu’au plafond matelas encore emballés et luminaires, destinés à garnir les futures chambres à louer. Ce curieux édifice est une des zones grises de cet immense territoire où se jouxtent industries de pointe et commerces interlopes. L’immeuble voisin héberge les locaux administratifs du port autonome de Marseille. On peut y trouver quelques maquettes imposantes retraçant l’évolution topographique des différentes industries de la zone. Si celles-ci permettent d’embrasser du regard la totalité de la zone, elles témoignent également de la domestication à grande échelle d’un territoire exclusivement dédié à l’exploitation industrielle.
Non loin de là, juste de l’autre côté de la voie rapide se dresse le crassier de l’usine métallurgique d’Arcellor-Mittal, devenu, au fil des décennies, le point culminant de la plaine de la Crau. Différentes industries (méthane, pétrole, nucléaire, incinérateur…) se mêlent au sein de ce site hautement pollué, provoquant un « cocktail » aux conséquences sanitaires et écologiques désastreuses à la fois pour la population avoisinante et pour la faune et la flore du parc naturel régional de Camargue. Source d’emplois et de revenus important, la zone industrielle de Fos-sur-Mer ne reste pas moins une aberration de par la concentration hautement polluante de différentes industries au sein d’un même espace. Régulièrement, des fuites enveniment toute la région depuis la Camargue jusqu’aux calanques marseillaises. Sur le long terme, la montée des eaux qui menace toute la Camargue pose alors la question vitale de l’adéquation de ce type d’installations avec les enjeux écologiques à venir.


















Exposition proposée en partenariat avec l’Artothèque de Miramas et le Centre Culturel de Fos-sur-Mer et présentée du 15 décembre 2018 au 7 janvier 2019 au Centre Culturel Marcel Pagnol, à Fos-sur-Mer.

L’exposition confronte un aperçu du travail photographique réalisé à Fos-sur-Mer par Lewis Baltz, Gabriele Basilico, John Davies et Jean-Louis Garnell (de 1986 à 1994), aux travaux de sept étudiants de l’École nationale supérieure de la photographie (Mathieu Cauchy, Quentin Fagart, Julian Grollinger, Juliette Larochette, Manon Letort, Jonathan Mourglia, Mathilde Sangnier) qui, dans le cadre de l’atelier pédagogique de Gilles Saussier et Christian L’Huillier, ont mené une double enquête sur le territoire de Fos-sur-Mer et sur l’histoire de ces commandes photographiques.

